Abdeslam Achahbar/DR |
L'auteur de l'une des plus célèbres chansons dans le Rif, mais contrairement à sa chanson, lui est largement méconnu. Le poète rifain Abdeslam Achahbar porté disparu depuis 1992. La nuit l’avait entassé, avec plusieurs autres désespérés, sur une barque d’immigration clandestine en Espagne. Il ne reviendra plus jamais. Il avait 23 ans. Nous nous permettons de republier cet article qui avait été rédigé par Lhoussain Azergui pour rendre hommage à l'artiste rifain.
Abdeslam Achahbar (1969-1992) est l'auteur de la célèbre chanson "Inasan i midan nechnin nkhes a-niri" (Dites à tout le monde que nous tenons à vivre libres). Porté disparu, à la fleur de l'âge...
Il a chanté la disparition dans les mers d’un ami, et c’est ce même sort qui lui est réservé... Triste sort ! Sort d’un Homme qui veut vivre libre, amazigh, et qui, naturellement, tente de fuir un régime qui veut nier son existence... et ce sont les eaux de la Méditerranée qui mettent fin à son existence... Mais Abdeslam existe toujours par sa poésie, par ses paroles qui représentent toujours l’espoir de toute une jeunesse...
Février 1998, Faculté de droit de Meknès. Lors d’une soirée artistique organisée par le Mouvement culturel amazigh estudiantin, un jeune militant de Biya (Al Houceima) monte sur scène et chante "Inasan i midan necnin nxes an-niri" (Dites à tout le monde que nous tenons à vivre libres). Un poème mélancolique d’un poète inconnu pour nous, jeunes militants du Sud-Est de Tamazgha Occidentale. Il s’agit de Abdeslam Achahbar.
Les paroles de la chanson ont fait le tour du campus. Photocopiées et distribuées, elles étaient pour nous une sorte d’hymne à l’image de "Kker a mmis umazigh" en Kabylie.
Sept ans après, je découvre la face cachée de notre triste hymne des années universitaires. Le 23 juillet 2004 au Festival Amazigh Méditerranéen de Tanger, le groupe Imetlaâ (Les sans abris) monte sur scène et chante "An-niri". La foule se déchaîne. L’émotion se lisait sur les visages de tous ceux qui ont connu Abdeslam. Il revient avec force dans les discussions.
J’interroge mes amis Mohamed, membre d’Imetlaâ et Saïd Zerouali, jeune chanteur talentueux d’Aberkan (Rif), sur la chanson. Saïd, très sensible, me met en contact avec Fettah, le frère de Abdeslam. L’histoire qu’il me raconta est tragique. Elle m’avait secoué.
Abdeslam Achahbar est porté disparu depuis 1992. La nuit l’avait entassé, avec plusieurs autres désespérés, sur une barque d’immigration clandestine en Espagne. Il ne reviendra plus jamais. Il avait 23 ans.
Les chants de ce jeune talent de Biya, qui s’est senti poussé à fuir la misère et l’oppression subies par le Rif, résonnent de plus en plus sur sa terre. "Abdeslam avait composé une série de poèmes prestigieux que beaucoup d’autres chanteurs amazighs du Rif ont chanté, dont Imetlaâ et Najib Amazigh", me dit son frère.
Un groupe amazigh de Hip Hop aux Pays-Bas (Hollande) "Intersection" a même repris l’une de ses célèbres chansons"Fouad Iwaddar" (Fouad s’est noyé !). Le poème raconte l’histoire d’un jeune qui a choisi d’immigrer clandestinement et qui meurt noyé dans la mer. Étrange histoire. Abdeslam trouvera le même sort que le personnage de sa chanson quelques années plus tard.
Des dizaines d’autres poèmes écrits et chantés par Abdeslam existent. Son frère pense les éditer avec leur traduction.
Abdeslam, mort à la fleur de l’âge, demeure l’un des grands poètes qui ont marqué leur temps. Sa poésie, puisée des souffrances du Rif et de la lutte des Imazighens pour la dignité, est d’une force extraordinaire.
Ce jeune, qui aspirait à une vie digne et qui s’est sacrifié pour la liberté, mérite qu’on lui rende hommage en publiant notamment ses textes.
Pour que Abdeslam, qui a tant rêvé de notre existence, puisse exister au moins dans la mémoire de son peuple qu’il a tant aimé, œuvrons pour que sa poésie soit éditée.
Abdeslam, repose en paix. On existera!!
Une traduction/adaptation de la chanson "Inassen imidan":
Surtout, ne t’ennuie pas,
Continue de marcher fièrement
Tête levée.
Dites leur que nous tenons à vivre libres.
Je suis passé devant les marabouts
Ils m’ont questionné sur les raisons
Qui rendent les Imazighen (berbères) si résignés.
Dites à tout le monde que nous tenons à vivre libres.
L’orage a éclaté,
La pluie est tombée, semant le bonheur
L’agriculteur et le marin
Danseront dans les champs.
Dites à tout le monde que nous tenons à vivre libres.
Nous sommes des Imazighen,
Nous vivrons libres.
Nous resterons debout,
Nous marcherons, avec détermination.
Dites à tout le monde que nous tenons à vivre libres.
Le coquelicot dansera,
Résistera à l’amertume,
On écrira dans notre langue,
Comme on le faisait autrefois.
Dites leur que nous tenons à vivre libres.
Par Lhoussain Azergui
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Le premier et l'unique album de Abdeslam Achahbar: